Page:Abeille - Coriolan, 1676.djvu/86

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

Faites-vous obeïr. Qu’on mette bas les armes :
Qu’on tariſſe à jamais la ſource de mes larmes :
Qu’on parte. Juſques-là qu’exigez-vous de moy ?
Avez-vous quelque droit de pretendre à ma foy ?
Eſclave d’une ſœur vous me parlez en maiſtre ?


AUFIDE.

Madame, on m’obeït : je le feray connaiſtre.
La nuit s’avance : avant le retour du Soleil,
Vous reverrez mon Camp dans un autre appareil.
Rome n’aura de nous aucun ſujet de crainte.
Mais, Virgilie, au moins voyez-moy ſans contrainte ?
Vos yeux me ſeront-ils d’eternels ennemis ?
Eſt-ce là cet accueil que vous m’aviez promis ?
De mon rival enfin regretez-vous la fuite ?


VIRGILIE.

Non, Seigneur.


AUFIDE.

Voyez donc ſon indigne conduite,
Il a ſçeu malgré nous que ſelon vos ſouhaits,
Mon amour aux Romains alloit donner la paix.
Sans doute qu’il prétend m’en ravir l’avantage,
Qu’il veut que cette paix paſſe pour ſon ouvrage,
Et qu’il porte aux Romains, feignant de les ſervir,
La nouvelle d’un bien qu’il n’a pû leur ravir.
Ouvrez les yeux, Madame, & nous faites juſtice,
Recompenſez l’amour, puniſſez l’artifice :
Et monſtrez aux Romains en couronnant ma foy,
Qu’ils ne doivent leur vie & leur repos qu’à moy.


VIRGILIE.

Qu’à vous ? C’eſt dõc ainſi que l’on perd la memoire
Du Heros qui chez vous amena la victoire ?
Qui vous abandonnant à vos premiers deſtins,
La peut encor d’icy porter chez nos voiſins ?