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AUFIDE.

Et moy, Seigneur, duſt-il m’en couſter un forfait,
Je maintiendray le don que vous m’en avez fait.
Elle eſt à moy. Songez à me tenir parolle.


CORIOLAN.

Ah ! ne vous flatez point de cet eſpoir frivole.
Valerie eſt à vous : Virgilie eſt à moy.
J’ay promis de ranger l’une ſous voſtre loy :
Vous de favoriſer ma paſſion pour l’autre :
Je tiendray ma parolle : & vous, tenez la voſtre.
Si leurs noms par hazard ont eſté confondus,
Leurs droits ne le ſont point, ou ne le ſeront plus :
Et ſi de ce hazard on ſoûtient le caprice ;
Par raiſon ou par force on m’en fera juſtice.


AUFIDE.

Non, la feinte n’eſt point l’ouvrage du hazard.
À ces noms confondus vous aviez trop de part.
Dés que de ces deux noms l’erreur vous fuſt connuë,
Vous deviez détromper une ame prevenuë,
Qui foiblement encor captive en ſes liens,
Par reſpect pour vos feux auroit éteint les ſiens.
Mais que vous ayiez pû dans un cruel ſilence,
Pour me deſeſperer nourrir mon eſperance ;
M’abuſer ſous l’appas d’une feinte amitié :
Trahir enfin, trahir ſans honte & ſans pitié
Un cœur pour ſon mal-heur trop ſincere & trop tendre,
C’eſt ce que d’un Heros je ne ſçaurois comprendre ;
À moins que par l’eſpoir d’un indigne repos,
Le Romain n’ait en vous affoibli le Heros.


CORIOLAN.

Toûjours Rome, & toûjours la meſme defiance
Nourrira dans ce Camp la deſobeïſſance ?