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Vous vouliez malgré moy vous unir à ma peine :
Et du haut de ces murs d’où me chaſſoit leur haine,
Contrainte d’y languir ſous leur injuſte loy,
Vos regards enflamez s’élançoient apres moy.
Aujourd’hui je vous cherche au milieu de cent autres :
Je vous trouve : & mes yeux ne trouvent point les voſtres.
Vous fuyez leur rencontre. Eſtrange changement :
Craignez-vous que mal-gré voſtre reſſentiment,
Je n’y ſurprenne encore un reſte de tendreſſe ?
Car enfin je connois le remords qui vous preſſe :
Et pour m’abandonner ſans regret, ſans effroy,
Vous vous ſouvenez trop que vous eſtes à moy.


VIRGILIE.

Moy que je ſois à vous ? qu’aucun ſerment me lie…


CORIOLAN.

À qui donc eſtes-vous, cruelle Virgilie ?


VIRGILIE.

Je ſuis à ce Heros des Romains protecteur,
Qui parmy les encens d’un peuple adorateur,
Revenoit triomphant des murs de Coriole
Enchaiſner la victoire au pié du Capitole.
Je ſuis à ce Heros donc les premiers exploits
Aux Volſques indomptez impoſerent des loix ;
Et qui de leurs lauriers environnant ſa teſte,
Couronna ſon vray nom du nom de ſa conqueſte.
Eſt-ce vous ? Non, Seigneur, Coriolan n’eſt plus :
Et je ne vois en vous que l’ingrat Martius.
Gardez ce nom. Le Volſque en ſera plus docile :
Vous l’avez dû reprendre en faveur de Camille.
Coriolan pour eux eſt un nom trop fatal ;
Et leur vainqueur enfin n’eſt point leur General.