l’Émir des croyants. Pendant sa vie les prisonniers étaient rachetés avec l’argent du Trésor. Bien des fois j’étais présent quand il recommandait aux marchands chrétiens de lui amener autant que possible de prisonniers musulmans. Il leur fixa pour tout jeune homme de 60 à 70 dînârs[1] et pour tout vieillard ou adulte de 40 à 50. Dans ces négociations c’est moi qui fonctionnais comme interprète. Peu de temps après, des marchands chrétiens arrivèrent avec des prisonniers en nombre considérable, nous les rachetâmes tous avec l’argent du Trésor.
Il en agissait encore ainsi au moment de la composition de ce livre. Que Dieu l’en récompense !
Au nombre de ses fondations pieuses mentionnons la Zawiya[2] hors de la porte de la Marine à Tunis.
Il y avait là autrefois un foundouk[3] (auberge) dans lequel publiquement se commettaient de bien grands péchés, car quelques chrétiens l’avaient loué à raison de 12 mille dinars d’or par an, pour y vendre du vin et d’autres boissons enivrantes. Ce foundouk, rendez-vous de la plupart des infidèles, était un sujet de tristesse pour le cœur des croyants. Notre seigneur Aboû Fâris renonça à ce revenu illicite, prohibé, corrupteur et vil. Mais il ne se contenta pas d’avoir fait cesser ce péché. Il fit démolir le foundouk et construisit à sa place une Zawiya, grande de dimension et d’utilité, lieu de prière, d’adoration et d’hospitalité et dont l’entretien était assuré par des revenus inaliénables, très considérables, provenant d’un champ, de deux parcelles plantées en oliviers, d’un pressoir y adjacent, etc.
Il fit construire aussi la Zawiya qui se trouve dans le voisinage
- ↑ Le Dînâr d’or valait autrefois 4 1/2 piastres tunisiennes soit 2 fr. 70 de notre monnaie. Il n’existe plus et est remplacé par le Bou Khamsa, piécette d’or de 5 piastres. On calcule toutefois encore par Dînâr d’une valeur de 10 Kharouba soit, 40 centimes.
- ↑ Une Zâwiya, correspond à ce qu’on appelle en Algérie un Marabout. C’est une construction plus ou moins grande, plus ou moins bien dotée, qui renferme le tombeau d’un saint. Elle sert d’habitation à un personnage connu pour ses vertus ou par son savoir et qui est chargé d’employer les revenus des biens dont la Zâwiya est dotée à l’entretien du bâtiment et à celui des pauvres. La Zâwiya dont il est question ici n’existe plus. La porte de la marine (Bâb el Bahar) est une des principales portes de Tunis. Elle se trouve dans le quartier européen.
- ↑ Le foundouk est un bâtiment public, destiné à recevoir les marchandises. Le mot vient du grec πανδοϰεῖον.