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L'ART DE SE


corps ne perd. Avons nous l’imagìnation si foible que de croire que nôtre bonheur est tellement attaché à certaines affaires, certaines possessions, certaines charges, certain domestique, & certain cercle de personnes avec lesquelles nous avons societé, que nous ne saurions être heureux quand nous aurons perdu toutes ces choses?

Peu s’en faut que nous n’ayons de la mort les idées qu’en ont les enfans, lors qu’ils s’imaginent de s’ennuyer dans le sepulchre, ou de n’oser demeurer tous seuls dans ces grandes tenebres. Nous nous épouvantons de nos propres fantômes, nous confondons tellement nos propres sentimens avec le tombeau qu’ils ont pour objet, que nous nous imaginons, ou peu s’en faut, trouver dans le sepulchre cette horreur qui n’existe que dans nôtre ame.

Nous ne craindrions point cette Solitude prétendüe, & cette privation apparente qui suivent la mort, si substituant les idées distinctes de la raison aux sentimens confus de la nature, nous considerions que par la mort nous ne per-