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NOTE I.

lieu de toge et se drapent de façon à représenter exactement le sagum ou sayon du licteur romain, ou l’abolla des militaires et des philosophes stoïciens ; parfois ils le fixent à l’épaule au moyen d’une épine ou d’un lacet, tel qu’on le voit sur les épaules des Sarmates de la colonne Trajane. Comme dans l’antiquité grecque et romaine, ce vêtement remplace la toge pour le paysan, et sert également à tous dans les moments de grande affliction, de deuil, de grave désordre civil ou d’invasion à main armée. Ce vêtement, un peu plus ample, me paraît être le même que la toga pulla fait en laine noire bège, vêtement de deuil des Romains, porté par les artisans, les hommes des basses classes, et qui est appliqué aux mêmes usages par les Éthiopiens.

Les Éthiopiens rappellent à chaque instant par l’usage qu’ils font de la toge les costumes et les mœurs des Étrusques, des Grecs et des Romains ; souvent même leurs locutions sont semblables aux locutions latines : celle de brachium veste continere, par exemple, adoptée par les traducteurs comme indiquant une certaine façon des orateurs antiques de se draper, rend exactement celle qui désigne en Éthiopie la façon dont les professeurs se drapent souvent lorsqu’ils enseignent la théologie, ou celle des orateurs en présence de leurs pairs. Ceux qui parlent devant les supérieurs ou devant les juges ajustent leurs toges d’une façon différente, semblable à celle que les antiquaires désignent sous le nom de cinctus gabinus et qui est représentée dans le Virgile du Vatican. De même des expressions sinus laxus, sinus brevis, expapillatus, pour celui dont la mamelle est découverte, et des épithètes cinctus, præcinctus et succinctus, pour indiquer un homme actif, éveillé, sur ses gardes ou diligent : les adjectifs éthiopiens étant dans les mêmes rapports avec leurs racines que les adjectifs latins.

J’ai entendu maintes fois en éthiopien une expression presque identique à celle de Macrobe relativement à César : Ut trahendo laciniam velut mollis incederet, etc. ; ainsi qu’à celle-ci : Cave tibi illum puerum male præcinctum, dont Scylla se servait au sujet de Pompée. L’empereur Caïus, dit Suétone, transporté de jalousie par les applaudissements qu’on donnait à un gladiateur, sortit du théâtre en si grand’hâte, ut calcata lacinia togæ præceps per gradus iret ; j’ai vu maintes fois des Éthiopiens, bouleversés par quelque émotion, se comporter de façon à se rendre applicable la description de l’auteur latin. Avant de se précipiter sur Tib. Gracchus, Scipion Nasica s’enveloppa le bras gauche d’un pan de sa toge, en guise de bouclier ; Alcibiade mourut en combattant et en se servant, en guise de bouclier, de sa toge enroulée sur le bras gauche ; l’Éthiopien agit de même lorsqu’il manque de bouclier ; et comme le rapporte Xénophon