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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

d’une grande force musculaire ; leurs formes se rapportent plutôt au type d’Apollon qu’à celui d’Hercule. Ils sont adroits, souples et gracieux dans leurs mouvements ; ils ont la démarche libre, assurée, le geste sobre, distingué, sont peu aptes aux gros travaux, mais résistent admirablement à la faim et aux fatigues de longue durée. Leur peau, d’une douceur remarquable, fournit des spécimens de toutes les nuances de coloration, depuis le teint pâle ou légèrement cuivré du Chilien de souche espagnole, jusqu’au teint noir du Berberin ou du nègre ; le teint bronze florentin est celui de la majorité. Il n’est pas rare de trouver des hommes d’une très-grande pureté de traits et des femmes d’une beauté accomplie. Ils ont plusieurs termes pour désigner les nuances de teint si diverses de leurs compatriotes et n’admirent que médiocrement le teint européen, qu’ils nomment teint rouge ; ils prisent bien davantage le teint pâle légèrement doré. Du reste, dans leur pays, sous leur ciel inondé de lumière et dans leur atmosphère sèche et diaphane, le teint de l’Européen est loin d’être préférable : il se hâle et brunit, il est vrai, mais s’injecte inégalement et devient rouge par places, tandis que celui de l’indigène reflète la lumière d’une façon douce et harmonieuse.

Les Éthiopiens vont habituellement pieds et jambes nus ; ce n’est que par exception qu’ils usent de chaussures. Quoique exposés à marcher sur les terrains les plus raboteux, les paysans et les soldats surtout mettent de l’amour-propre à ne point garantir leurs pieds. Ils regardent comme une preuve de santé et de virilité de pouvoir fouler impunément depuis le tapis moelleux des prairies, fréquentes dans les deugas ou hauts pays, jusqu’au sol calciné et brûlant des kouallas ou basses-terres, ordinai-