Aussi, dès notre arrivée, avions-nous cherché à lui faire connaître notre situation.
Plusieurs indigènes avaient d’abord consenti à lui porter notre message, mais malgré l’appât d’une forte récompense, chacun d’eux, au moment de partir, s’était dégagé de sa promesse, en alléguant qu’il craignait de mécontenter les partisans du Sultan. Nous savions que la Compagnie des Indes songeait depuis quelque temps à envoyer une ambassade en Chawa. M. Harris, capitaine dans l’armée anglaise fut désigné pour cette mission, et le gouverneur d’Aden donna l’ordre au Sultan d’organiser une grande caravane pour l’accompagner. Quelques trafiquants plus pressés que les autres se préparèrent à partir sur-le-champ, et ils consentirent en secret à nous prendre avec eux. Nous regardions donc notre départ comme certain, lorsque l’arrivée d’un nouveau bâtiment anglais fit échouer cette tentative. Le Sultan avait encore averti le capitaine Heines, qui envoya cette fois à Toudjourrah un agent spécial.
Cet agent s’établit dans une maison voisine de la nôtre ; il avait plus de soixante ans et se nommait Hadjitor ; il était Arménien de nation, parlait parfaitement l’anglais, l’hindoustani, le persan et l’arabe, et depuis nombre d’années, la Compagnie des Indes le chargeait de missions difficiles dans diverses parties de l’Orient.
Cette fois, il venait à Toudjourrah pour combattre ouvertement notre influence qui, au dire du Sultan, l’empêchait d’exécuter les ordres du gouverneur anglais. Dès le lendemain de son arrivée, il indiqua aux notables réunis la meilleure marche à suivre pour nous empêcher de partir pour l’intérieur. Du reste, il vint poliment nous faire visite ; il nous dit franchement que