— Que veut-il donc, cet homme ? Veut-il envahir la demeure des gens ? Ne serions-nous plus maîtres chez nous ?
Tous les membres du Conseil se tournèrent vers moi.
— Je ne veux envahir la demeure de personne, leur dis-je en m’avançant. Je suis un voyageur ; il y a longtemps que je n’ai d’autre abri que le ciel ; je vais au Chawa ; Toudjourrah est sur ma route ; je sais que vos pères n’en ont jamais fermé l’accès aux gens inoffensifs. Si, comme on le dit, vous avez aliéné votre héritage pour le mettre à la discrétion du gouverneur d’Aden, vous avez dû le faire à la face d’Allah, et tous ces anciens ici réunis ne sauraient être honteux d’une résolution prise sur la terre où dorment leurs aïeux. Pourquoi refuseriez-vous d’avouer par écrit ce qui, tôt ou tard, ne manquera pas de devenir public ? À Moka, à Djeddah, à la Mecque, dans toute l’Arabie, qui me croirait, si je n’apportais une preuve incontestable de l’interdiction inouïe dont vous me frappez ? Que chacun de vous se mette un instant à ma place et juge.
— C’est très-bien, dit le Sultan ; mais il nous est impossible de te donner le papier que tu demandes.
— À défaut de papier, repris-je, je vous offre mon corps ; vous pouvez y inscrire vos volontés.
— Mais tu veux donc jouer avec la mort ? me dit l’un d’eux.
— S’il est écrit que mon corps doit rester ici, répondis-je, je ne le porterai pas plus loin ; mais les Français sauront où est tombé leur compatriote.
Il me sembla que plusieurs m’approuvaient ; d’autres parlaient avec véhémence et se tournaient vers moi avec des gestes menaçants ; un moment je crus