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DOUZE ANS DE SÉJOUR

dant l’air de comprendre, Dieu sait quoi. En partant, ils nous dirent :

Gardez-vous néanmoins ; quelques mauvais Somaulis songent peut-être à lever contre vous leurs javelines ; mais il y a encore de braves gens parmi nous ; espérons que leur influence pourra contenir ces méchants, dont le premier tort, à nos yeux, est d’obéir à des suscitations étrangères à nos tribus indépendantes.

Aucun Européen n’avait encore visité le royaume de Harar dont les habitants, musulmans fanatiques, mettraient à mort, disait-on, tout chrétien qui pénétrerait chez eux. Néanmoins, avec un peu de savoir-faire, nous espérions réussir ; mais bientôt nous sûmes que les mesures prises contre nous par le gouverneur d’Aden étaient connues à Harar même, où notre succès dépendait en grande partie de l’imprévu de notre arrivée. Cette nouvelle nous décida à changer nos plans et à essayer d’arriver en Chawa par la voie de Toudjourrah.

Cette voie avait été ouverte, environ deux ans auparavant, par notre compatriote M. Dufey, grâce au Polémarque du Chawa, Sahala Sillassé, qui l’avait recommandé à une caravane composée d’habitants de Toudjourrah. On disait bien à Berberah et à Zeylah que le capitaine Heines répandait à Toudjourrah des sommes d’argent importantes, et que son influence, quoique non avouée, y était toute puissante. Mais nous ne pouvions sur des on dit renoncer à notre voyage ; d’ailleurs si la route par Toudjourrah nous était fermée, il nous restait encore deux autres routes principales : l’une par les États du Dedjadj Oubié dont les dispositions s’étaient modifiées en ma faveur, l’autre par le Sennaar. Nous étions fort disposés à