Page:Abbadie - Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie.djvu/589

Cette page a été validée par deux contributeurs.
581
DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

taine pour qu’il démentît au moins un pareil bruit, et celui-ci lui avait répondu que comme gouverneur d’Aden, il n’avait pas à s’occuper de ces détails d’un intérêt tout personnel.

Nous cherchions à gagner le Chawa en passant par Harar, petit royaume à quatre ou cinq jours de marche de Berberah. Mais ici encore, il nous fallut compter avec le gouverneur d’Aden, qui employa contre nous son agent de confiance, un Somauli nommé Scher Marka, établi à Aden. Cet homme, fort influent parmi ses compatriotes, à cause du trafic étendu qu’il faisait, se tenait durant la foire à Berberah, d’où il approvisionnait de bétail et de diverses denrées la garnison d’Aden ; il nous fit dire qu’à moins de nous concilier le capitaine Heines, nous chercherions vainement à gagner Harar. Un marchand maugrebin, natif de l’Algérie française, nous confia qu’à la suite d’instructions venues d’Aden, Scher Marka avait fait décider dans une réunion de Somaulis qu’aucun chef de caravane ne nous admettrait. Bientôt, des bruits de plus en plus fâcheux circulèrent sur notre compte ; nos abbanes nous prévinrent de ne plus sortir le soir, de ne pas nous éloigner, même le jour, des habitations ; que sinon, ils ne pourraient plus répondre de nous.

Des vieillards Somaulis vinrent nous demander quels motifs incitaient le gouverneur d’Aden contre nous ; mais pour leur faire comprendre notre position, il eût fallu leur expliquer l’état des choses en Europe, et tout un ordre d’idées peu intelligibles pour eux. Ils nous demandèrent aussi quel grand intérêt nous engageait à braver, comme nous le faisions, un péril évident ; et il nous fut aussi difficile de leur répondre clairement sur ce point. Ils eurent cepen-