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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

merce, et, du côté de l’ouest, par un mouillage sûr appelé Back-bey, réservé aux bâtiments de guerre. Les vents du nord et du sud, qui dominent dans ces parages, sont interceptés par les hauteurs, ce qui fait d’Aden un des endroits les plus chauds du globe.

Ce fut plein de joie et d’espoir que je pris terre : j’allais revoir mon frère, reprendre les usages européens, me reposer un peu, me retremper au contact des officiers anglais, qui savent si bien accueillir et comprendre les voyageurs et qui en fournissent eux-mêmes en si grand nombre. Ne rencontrant personne dans la ville qui pût me renseigner, je me présentai chez M. Heines, capitaine dans la marine indienne et gouverneur d’Aden sous le titre d’agent politique. Il parut d’abord surpris de ma visite ; il m’apprit que mon frère dont il ignorait l’état de santé s’était embarqué pour Berberah ; il me dit ensuite qu’ils étaient en relations, et il finit par me montrer deux lettres de mon frère et la copie des réponses qu’il lui avait adressées. Le ton hostile de cette correspondance me donna la mesure de leurs relations. Je pris congé de M. Heines et mes perspectives s’assombrirent au sentiment de mon isolement et des difficultés où devait se trouver mon frère.

Suivi d’un enfant galla que j’avais amené du Gojam, je parcourus la ville sans trouver où me loger : ni hôtel, ni auberge, ni cabaret, ni caravansérail d’aucune sorte ; des casernes, des magasins, des maisons bâties en madrépore, où les Banians et les Juifs tenaient leurs boutiques ; des huttes basses, sales et groupées à part servant de retraite aux nègres ou aux Somaulis venus de la côte d’Afrique pour travailler aux fortifications de la place, ou bien d’élégants pavillons habités par les officiers anglais ; aucun abri enfin pour un Euro-