que, sans penser même à ces circonstances, il se contenta de faire agir ses amis au Caire. Heureusement pour lui, l’accusation tomba faute de preuves.
Depuis notre mésaventure chez le Dedjadj Oubié, Aïdine Aga témoignait de sa sollicitude pour nous, et nos rapports étaient devenus de plus en plus intimes. Il nous dit un jour dans un moment d’épanchement : — Je vous parle là de choses dont je ne parle à personne ; mais par le prophète, je vous tiens en grande affection, et les confidences que je vous fais nous serviront de gages pour le jour où nous nous retrouverons dans un monde meilleur. Je me figure que le paradis est au sommet d’une montagne de lumière ; bien des sentiers en sillonnent les abords ; Allah sans doute permettra que tous aboutissent à la cime. Nos ulémas ne disent point ainsi, non plus que les docteurs de votre loi, mais j’aime à garder cette croyance. Je ne suis qu’un soldat de fortune ; un bon maître (qu’Allah et le prophète le glorifient !) m’a fait ce que je suis. Presque enfant, j’ai quitté mon pays et ma religion ; car j’étais né chrétien, et voici que lorsque ma moustache grisonne, c’est de la main de deux frères chrétiens que je reçois le plus grand bienfait qu’on puisse recevoir des hommes.
Puis, il nous raconta l’histoire suivante :
Il y avait dans une ville d’Asie un riche marchand, exact observateur des lois du Livre, Allah et le prophète le protégeaient en tout. Sa prospérité était sans pareille ; chaque caravane lui ramenait des serviteurs rapportant des marchandises de toutes les parties de la terre, où ils allaient commercer pour son compte ; ses troupeaux ne se comptaient que par mille ; son harem était égayé par de nombreux enfants, grandissant sous les yeux de mères toujours belles et fécondes. Le Pacha de sa province se tenait pour honoré par ses visites et