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DOUZE ANS DE SÉJOUR

qui a contribué à sauvegarder, pour un temps du moins, l’intégrité de ce pays chrétien, déplut néanmoins au Dedjadj Oubié, qui aurait voulu être le seul prince éthiopien à entrer en relations avec une puissance européenne.

Lorsque, après mon séjour auprès des Dedjazmatchs Guoscho et Birro, séjour qui m’avait donné une certaine notoriété dans le pays, je m’arrêtai en Tegraïe, en allant à Moussawa au devant de mon frère, je ne me montrai pas assez bon courtisan à la cour du Dedjadj Oubié, et ce qui, dans d’autres circonstances m’eût été propice, le tourna encore contre moi. Ma connaissance des mœurs du pays était suffisante pour apprécier la légèreté avec laquelle les gens de la maison de ce prince traitaient tout Européen, et ma réserve même lui fut présentée dans un sens hostile, lorsque ses gens eurent découvert que leur maître était moins bien porté pour moi. De plus, la réception que j’avais trouvée auprès du Dedjadj Guoscho et du Ras Ali lui faisait désirer, à ce que me dit le religieux et comme cela me fut confirmé depuis, que je m’attachasse à son service. Il n’est pas surprenant que des dispositions de cette nature dussent s’envenimer au moindre prétexte, à la moindre maladresse de ma part.

Pendant mon séjour auprès du Dedjadj Guoscho, le Dedjadj Kassa avait été vaincu et pris par le Dedjadj Oubié. Le vainqueur n’avait voulu voir dans Coffin qu’un agent de l’Angleterre, et l’avait fait mettre aux fers jusqu’à ce qu’il lui eût livré ce qui restait à Moussawa des fusils envoyés à la famille de Sabagadis. Depuis cette défaite de Kassa, le Dedjadj Oubié devait s’intéresser d’autant plus aux rapports de son pays avec des puissances étrangères,