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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

seigneur. Ils sentaient que ce dernier perdait désormais son importance et que c’était entre le Dedjadj Oubié et le Dedjadj Kassa que notre sort allait se régler ; que celui-ci ne manquerait pas d’ordonner qu’on relâchât mon frère et nos bagages ; et ils étaient bien aises d’assurer au moins à leur Polémarque un présent précieux pour le pays.

Dans cet ordre d’idées, mon frère et moi nous ne comprîmes pas alors que le Dedjadj Oubié, nous regardant comme ses clients, pouvait considérer comme une espèce de soustraction faite à son appartenance le don offert à son voisin et rival le Dedjadj Kassa. Heureusement nous fûmes assez bien inspirés pour offrir au Dedjadj Oubié les deux fusils de rempart qui nous restaient, ce qui atténua la première impression fâcheuse qu’à notre insu nous lui avions faite ; et, lorsque après un court séjour à Adwa, nous nous présentâmes avec nos bagages à son camp, en lui annonçant que nous partions sur-le-champ pour Gondar, l’assurance naïve de cette démarche l’avait pris à l’improviste, et il avait consenti à notre voyage. Malgré les présents considérables qu’ils lui avaient faits et la faveur dont ils avaient joui d’abord, les missionnaires protestants n’avaient pu obtenir de se rendre dans le haut pays.

Après environ trois semaines de séjour, mon frère avait quitté Gondar pour retourner en Europe, et il s’était chargé de deux lettres : l’une pour le roi des Français, l’autre pour la reine d’Angleterre, que les notables de Gondar avaient écrites à ces deux souverains pour les prier d’arrêter, par leur intervention, l’invasion d’une armée égyptienne qui se rassemblait au Sennaar dans le but avoué de pénétrer en Dambya et de mettre Gondar à sac. Cet acte de complaisance,