Quoique âgé de plus de soixante ans, ce chef était actif, audacieux et fougueux comme un jeune homme. Arrivé, à force d’adresse et d’énergie, à dominer Digsa, il dirigeait presque à son gré les alliances et les hostilités de la sous-tribu d’Akala à laquelle il appartenait. Les Akala-Gouzaïe, réputés pour la rudesse de leurs mœurs et leur courage à la guerre, vivent clairsemés sur la frontière chrétienne, entre la province du Hamacèn et celle de l’Agamé. Ils entretiennent constamment quelque motif de rivalité avec leurs voisins et profitent des interrègnes dans le gouvernement du Tegraïe pour vider leurs querelles par les armes. Ils n’ont gardé de la religion chrétienne que quelques pratiques, suffisantes cependant à les différencier des Musulmans de la côte, auxquels, pour des raisons d’intérêt public ou privé, ils consentent quelquefois à donner leurs filles en mariage, quoique ceux-ci refusent d’en agir de même à leur égard. Séparés par deux journées de route seulement, Moussawa et Digsa offrent le contraste de saisons complétement opposées : quand l’hiver règne à Moussawa, on est en plein été à Digsa et à Halaïe. Digsa, moins considérable que Halaïe, est sis au milieu d’un pays pierreux et tourmenté qui se termine bientôt en chute abrupte pour arriver au pays koualla, chaud et énervant, qui borde la mer Rouge. Du côté du S.-O., vers le Tegraïe, les pentes sont moins brusques et s’arrêtent bientôt au koualla désert de Tsam-a, domaine non contesté des éléphants, des lions et d’autres animaux dangereux. Des bandes isolées de Sahos rôdent nuit et jour sur la frontière chrétienne pour y voler des femmes et des enfants qu’ils vendent ensuite à Moussawa, ou bien encore pour enlever quelques têtes de bétail, ou surprendre et tuer quelque