le Takkazé. À l’Ouest le plateau élevé du Wogara, où mes hommes m’attendaient sans doute avec mon cheval et les bagages de mon frère, à une petite journée seulement de Gondar ; au-delà mon imagination entrevoyait le Dambya, le Gojam, le Dedjadj Guoscho, dont j’étais si assuré de recevoir bon accueil. Nous tînmes conseil, mon frère et moi, sur la direction à prendre : je voulais aller à Gondar ; dans sa sollicitude pour moi, il s’y opposa, et nous rebroussâmes chemin vers Adwa. Je désignai un homme de confiance pour aller dire à mes gens en Wogara de s’en retourner avec mon cheval et les bagages ; et ce fidèle messager, qui pouvait s’enrichir en me trahissant, rajusta ses armes, nous dit adieu, s’engagea dans la descente précipitueuse et sans route, et disparut bientôt dans la direction de Wogara. À ce moment je me sentis comme frappé d’exil, et je pris tristement le sentier qui devait nous conduire au Takkazé.
Après avoir essuyé pendant la soirée une de ces averses torrentielles qui précèdent, dans les pays élevés du Samen, la saison des pluies, nous arrivâmes à la nuit à un village où déjà, en venant, on nous avait refusé le vivre, malgré les ordres du soldat que le Dedjadj Oubié avait envoyé pour nous faire héberger durant le voyage. Comme si nous jouissions encore de la faveur du Prince, nous nous présentâmes, et l’hospitalité nous fut offerte avec un empressement dû sans doute en grande partie à l’aspect de notre équipage ruisselant de pluie. Nous repartîmes à la pointe du jour, et, trouvant çà et là à souper, nous arrivâmes à Adwa, après avoir été rejoints par mon fidèle messager avec les bagages et mon cheval, que je craignais de ne plus revoir, car si ma disgrâce se