— Monseigneur, remarqua l’échanson, on assure qu’à Gondar, il ne sort jamais sans une grosse suite et des fusiliers devant lui ; il s’est fait petit pour venir chez nous.
— Je le sais, répondit le Prince ; et interpellant mon suivant, debout derrière moi :
— À qui appartiens-tu, soldat ?
— À lui, répondit en me désignant le pauvre garçon, dont la voix tremblait.
— Joli maître, par Notre-Dame ! reprit Oubié.
— Et s’adressant aux femmes :
— Ces Cophtes, qui se croient des hommes ! Il leur faut comme à nos seigneurs, des gaillards comme ça, à cheveux tressés, au lieu de se contenter de quelques manants chauves pour faire porter leurs marchandises d’aspect trompeur, avec lesquelles ils viennent abuser de notre ignorance et capter notre bon vouloir.
J’étais désormais en pleine querelle. J’ignorais qu’Oubié s’était grisé dès le matin ; mais mon silence n’eût rien amendé. Je répliquai donc selon mes inspirations. La Waïzoro, auteur involontaire de cet éclat, faisait à mon frère des signes furtifs, l’engageant par un geste expressif à me faire taire. Le Prince, furieux se penchant presqu’à tomber de son alga, me dit :
— J’ai envie de te raccourcir cette langue dont tu crois te bien servir !
Et comme je répondais, il ajouta :
— Par la mort de Haylo, mon père ! je vais te faire couper un pied et une main !
Un des deux pages fit observer, avec ce manque de pitié fréquent à son âge, qu’il serait curieux et neuf de voir comment un Cophte supporterait ce supplice ; et le silence suivit cette remarque venimeuse. Je songeai avec désespoir que mes armes étaient loin de moi :