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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

J’arrivais des pays des Gallas ; mon frère venait de Paris, de Londres et de Rome, et malgré les incertitudes que comportent deux voyages aussi longs, nous étions à trois heures près, exacts au rendez-vous pris en nous séparant à Gondar vingt mois auparavant ; nous nous étions quittés au commencement de juillet 1838, et nous nous retrouvions à Moussawa en février 1840. Aïdine Aga et les notables de Moussawa virent dans cette exactitude l’œuvre de quelque génie protecteur, et ils parlèrent longtemps de notre rencontre comme d’un fait surnaturel : mon guide Abdallah n’y vit qu’une preuve de plus de l’infaillibilité des augures.

Après quelques jours passés à nous raconter mutuellement nos aventures, nous arrêtâmes notre plan de voyage. Il fut convenu que nous irions à Gondar ; que mon frère passerait quelques mois, tant dans cette capitale que dans les provinces voisines de l’Ouest, en deça de l’Abbaïe, tandis que je retournerais en Gojam, où ma liaison avec le Dedjadj Guoscho, qui tenait alors la cour la plus policée de l’Éthiopie, m’offrait une occasion exceptionnelle pour me perfectionner dans la langue Amarigna et m’initier aux mœurs, aux affaires, aux us et coutumes du pays. Mon frère, qui s’était chargé de la partie scientifique du voyage, devait selon l’opportunité de ses travaux me rejoindre en Gojam, d’où, appuyés de la protection du Dedjadj Guoscho, nous comptions passer en pays Galla, gagner l’Innarya et revenir sur nos pas ou nous ouvrir une route nouvelle vers un point plus central de l’Afrique, pour rentrer ensuite en Europe.

Nous fîmes nos adieux au bienveillant Aïdine Aga, à qui j’avais rendu ses costumes trop étroits