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DOUZE ANS DE SÉJOUR

mière, savoir monter à cheval, réparer un harnais, nager, tirer la carabine, jouer aux échecs, raisonner les qualités d’une arme, d’un cheval ou d’un chien de chasse, enfin et surtout être affable et poli avec les femmes, les prêtres, les pauvres et les vieillards.

Les officiers de la maison d’Oubié, profitant de l’ignorance ou de la faiblesse des Européens, avaient aussi pris l’habitude de les rançonner de diverses manières, sous le prétexte de les faire bien venir de leur maître. Ce n’étaient plus des cadeaux qu’on attendait de nous, c’étaient de véritables impôts. Ils nous disaient à brûle-pourpoint que nous étions des grands seigneurs et nous tapaient familièrement sur l’épaule en nous demandant de l’argent. Enhardis par ces exemples, tous les habitants usaient envers nous de façons analogues, et, depuis la Takkazé jusqu’à la mer Rouge, l’Européen, victime de toutes les exactions, était le plus souvent un objet de risée. Quant à moi, je venais du Bégamdir et du Gojam, dont les habitants ont bien plus d’urbanité que dans le Tegraïe ; je m’étais associé à la vie des indigènes ; je savais ce que je leur devais et ce que tout étranger était en droit d’attendre d’eux, conformément à leurs mœurs. Le compatriote pour lequel je venais de prendre fait et cause méritait d’ailleurs d’être accueilli convenablement ; il était docteur en médecine et il collectionnait pour le Jardin-des-Plantes de Paris. Après un long séjour, lorsqu’il comptait retourner en Europe, il fut mangé par un crocodile.

Le Dedjadj Oubié leva son camp le lendemain et continua sa route vers le Samen.

De mon côté, je ne tardai pas à m’acheminer vers Moussawa. J’eus à subir en route quelques tentatives de la part des péagers, qui voulurent m’assimiler aux