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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

Cependant il me tardait d’aller au-devant de mon frère, et le Dedjadj Birro remettait de jour en jour de me donner mon congé, lorsqu’il conclut avec le Dedjadj Oubié une alliance secrète, dont le but était de marcher prochainement contre le Ras Ali, leur suzerain commun. Je représentai à Birro que cette circonstance me permettrait d’aller et de revenir de Moussawa avec promptitude et commodité, puisque le Dedjadj Oubié tenait tout le pays depuis Gondar jusqu’à la mer Rouge.

Après beaucoup d’objections, il consentit à mon départ, et afin, disait-il, que je pusse figurer convenablement à la cour de son allié, il voulut me donner un bouclier richement garni en vermeil, un fort beau sabre et une belle mule caparaçonnée comme la sienne. Je refusai ces présents, et il en prit de l’humeur :

— Celui qui reçoit s’engage, me dit-il ; tu veux partir sans pensée de retour.

Enfin, après beaucoup d’instances, il m’accorda deux mois pour faire mon voyage, en me recommandant toutefois de me joindre à l’armée d’Oubié, si avant cette époque cet allié opérait sa jonction avec lui pour marcher contre le Ras.

— Car, si Dieu le permet, dit-il, nous ferons parler de nous grandement. Mais avant de nous séparer, je veux que nous nous engagions, par serments réciproques, toi à revenir, moi à te traiter toujours comme un frère.

Malgré ma répugnance à me lier de cette façon, je crus devoir céder.

— Je ne sais, me dit-il, quelles sont les formules de serment usitées dans ton pays, mais que m’importe ! tout serment recèle le principe vengeur