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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

palais comme ayant appartenu à mes aïeux ? Les faucons hésiteraient avant de se poser ici, et tu viens de Jérusalem pour y monter avec moi ! Je suis jeune, et Dieu m’a décoré de la victoire ! Cependant je crois pressentir quelque revers. Mais Notre-Dame y pourvoira, en souvenir des mérites de mon aïeule, et toi, fils de ma mère, tu seras à mes côtés.

Peu à peu son étreinte cessa, son bras se retira de moi, son regard changea d’expression et il descendit en silence. En bas, il me dit à l’oreille :

— Comme c’est bon de vivre haut et loin de terre !

Il fit approcher les Musulmans ; l’un d’eux prit la parole pour dire que leur quartier était mis à sac par ses soldats, et qu’ils venaient se réfugier auprès de lui. Il appuya sa supplique d’un cadeau de deux burilés pleins de poivre noir et d’une pèlerine de guerre en drap rouge, ajoutant que ce qu’il y avait d’imprévu dans leur démarche et le désordre dans lequel ils étaient devaient faire excuser la modicité de leur offrande.

— Que Dieu vous le rende ! leur dit Birro.

Et il monta précipitamment à cheval et partit au galop pour le Salamgué ou quartier musulman.

J’arrivai sur la place du marché quelques instants après lui ; ses soldats fuyaient de toutes parts, en lâchant leur butin. L’un d’eux fixa sa poursuite : le malheureux, pour alléger sa course, abandonna jusqu’à son bouclier et sa javeline. Encore quelques bonds et, il était à l’abri derrière des rochers, lorsque le javelot de Birro l’atteignit ; il tomba percé d’outre en outre. La population musulmane poussa des cris de joie, tandis que le servant d’armes du Prince ramassait le javelot sanglant de son maître. Tous les pillards fuyaient dans la campagne et reprenaient la route du camp. Birro demanda sa mule,