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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

même une fin prochaine ; son intrépide frère ne serait plus là pour protéger ses deux fils, Ilma et Mokouannen, contre l’ambition légitime de leur grand-oncle ; enfin, sa maladie s’aggravant, sans provocation de la part de Woldé Teklé, il ordonna qu’on lui crevât les yeux. Soit maladresse, soit connivence du bourreau, cette terrible exécution fut mal faite : Conefo mourut quelques jours après, et Woldé Teklé guérit ; ses paupières seules restèrent mutilées. Il se rebella contre ses petits-neveux ; mais avant la bataille de Konzoula, il se joignit à eux, disant qu’après tout, ces enfants étaient siens, et que, dût-il éprouver leur ingratitude, il lui convenait de les défendre contre un prince étranger. Échappé de leur défaite, il parcourait le Dambya, ou il était très-populaire, mais sans pouvoir faire prendre sa cause au sérieux.

À quelques jours de là, nous apprîmes en soupant qu’il venait de s’arrêter à un village près de Gondar, et nous fûmes en selle immédiatement. Au point du jour, nous atteignîmes ses traînards ; il avait encore déguerpi et s’était réfugié sur les terres du Wogara, province de la mouvance d’Oubié. En revenant de cette course, nos soldats harassés obliquèrent vers Gondar, où ils espéraient que Birro leur permettrait de se faire héberger une nuit ; mais il envoya des cavaliers pour garder les avenues de la ville et passa outre. Il m’accorda un congé de quelques jours pour revoir le Lik Atskou.

Quoique je n’eusse avec moi que deux cavaliers et six fantassins, les habitants de Gondar, déjà alarmés par le voisinage de Birro s’émurent à mon approche : le harnais en vermeil et la housse écarlate de mon cheval me firent prendre pour quelque haut personnage qui serait bientôt suivi de soldats turbulents et