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DOUZE ANS DE SÉJOUR

prétexte pour sévir cruellement. On annonça aux prisonniers rassemblés sur la place la mort du parent du Dedjazmatch, qui leur fit demander ce qu’ils avaient à dire pour se justifier. Les femmes répondirent par des sanglots ; un des prisonniers s’avança devant la tente et dit :

— Ô monseigneur, à toi la force ! Tu es l’étoile de ton matin, et tu annonces les splendeurs de ta propre journée. Que Dieu fasse luire à tes yeux la vérité de mes paroles. Au commencement de son règne, Conefo aussi nous laissa maltraiter ; nous prîmes les armes et nous fûmes vaincus. Mais, reconnaissant la justice de notre résistance, il nous gouverna avec mesure, et nous lui avons été de fidèles sujets pendant tout son règne. Nous avons refusé obéissance à ses fils, parce qu’ils ont été durs envers nous, et qu’ils ont méconnu l’héritage de leur père ; aussi, n’étions-nous pas représentés à la bataille de Konzoula. Par obéissance à ton ban, nous avons laissé tes soldats se ravitailler sur nos terres ; mais ils ont attenté à nos personnes ; et où convient-il que le laboureur affronte la mort, si ce n’est sur son sillon ? Nous espérions qu’il en serait avec toi comme avec Conefo, et que tu apprécierais notre résistance. Nous voici prêts à être asservis par ton pardon. Que ta javeline soit toujours victorieuse, et que Dieu t’inspire notre arrêt !

— Créature du jeudi ! (c’est du jeudi que date la création des animaux, dans la Genèse) s’écria Birro. Puisqu’ils ont eu recours aux armes, ils en subiront la loi. Ils ont tué mon parent, tout meurtrier doit son sang ; je leur laisse la vie, mais qu’on leur coupe à chacun le pied et la main !

La tente fut refermée. Celui qui avait pris la