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DOUZE ANS DE SÉJOUR

leur diamètre est d’environ cinquante centimètres, et leur hauteur d’un décimètre et demi. Elles contiennent de vingt à quarante feuilles de pain et servent aux repas intimes qui n’exigent pas qu’on dresse une table. Les plats sont posés à terre à côté de la corbeille ; le panetier s’agenouille auprès, déchire des feuilles de pain, les imbibe de sauce et les répartit dans la corbeille devant les convives accroupis autour ; puis il retire des plats les mets plus solides et les portionne de la même façon. Le pain est fait de proherbe ; on en délaie la farine jusqu’à la consistance d’une crème, et, après l’avoir laissée fermenter, on en verse une mesure dans un four de campagne, en terre cuite, très-peu profond et dont la sole est de la même dimension que celle de la corbeille à pain. Ce genre de confection donne un pain de forme circulaire, d’un centimètre à peu près d’épaisseur, très léger, spongieux, sans croûte, rempli d’œils et flexible comme une crêpe.

Excepté les jours de grand repas, le Dedjadj Birro préférait être servi à la corbeille. Croyant que ces apprêts étaient pour moi seul, j’alléguai mon peu d’envie de manger, et Birro fit signe de tout enlever. Bientôt après survint un homme dont l’entrée fit sensation : les chefs se levèrent et ne se rassirent qu’après lui ; Birro l’accueillit amicalement et me dit :

— Mikaël, voici mon chef d’avant-garde ; aime-le ; c’est Tiksa-Méred, un de mes meilleurs amis.

Et, s’adressant à son Fit-worari :

— Toi, Méred, aime Mikaël comme un autre moi-même.

C’était la première fois que je voyais ce favori déjà célèbre ; sa physionomie mobile ne me parut que franche à demi.