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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

tement et par l’intermédiaire d’institutions qui sont ses maîtres impersonnels. En Éthiopie, l’autorité est partout vivante et personnelle ; tous commandent et obéissent directement à l’homme ; c’est au moyen de l’homme qu’on arrive à tout, et c’est sur lui et par lui qu’il faut agir. Aussi, dans les moindres réunions, toutes les intelligences sont en éveil, chacun s’y déploie et observe, car rien n’est indifférent pour personne. Dans un état social de cette nature, qui fait vivre continuellement ensemble des hommes revêtus de pouvoirs inégaux et intermittents, le discernement s’accroît et l’on se perfectionne dans l’art difficile de traiter avec ses semblables et de maîtriser ses propres impressions ; la rudesse disparaît des manières et du langage, les convenances acquièrent l’omnipotence, la vertu même leur est soumise dans ses manifestations. Ces tendances se confirment dans les centres où l’autorité à tous les degrés sert naturellement d’attraction aux hommes d’élite, et la plupart des cours des princes éthiopiens sont des écoles de savoir-vivre et de politesse, où l’énergie et le facile dévouement de la vie barbare apparaissent mêlés aux reflets des civilisations antiques.

Birro, l’épaule et le bras nus passés en dehors de sa toge, trônait familièrement au milieu de ses compagnons de guerre. Il pouvait avoir vingt-cinq ans. Grand de taille, il avait les talons saillants et les pieds longs, mal tournés et gauchement attachés à des jambes un peu grêles ; le haut du corps bien nourri, sans corpulence, et les muscles de ses épaules dénotaient la force ; ses bras étaient trop longs et disgracieux dans leurs gestes ; ses mains quoique un peu grandes étaient belles et élégantes. Il avait la figure ovale, la barbe noire et rare, la bouche grande et les dents superbes ;