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DOUZE ANS DE SÉJOUR

chant intermittent se fit entendre dans le lointain : la voix était fraîche et belle ; elle venait d’en haut ; le chanteur parut sur un roc en saillie, et là, après avoir chanté et chanté, il demanda, en bouts rimés, la permission de descendre plus bas encore, afin de saluer son Seigneur et de prendre, disait-il, son baptême de santé. On lui cria de venir, et il vint en chantant gaiement jusque devant le Prince. C’était un joli soldat de vingt et quelques années, natif du Metcha ; il gagna de partager notre vie jusqu’à notre retour au camp.

Monseigneur fit réparer sous ses yeux le riche bouclier du Lidj Ilma et me le donna. Quoique très-touché de ce présent, je le refusai, et, pour motiver mon refus, je lui découvris pour la première fois mon projet d’aller à Moussawa, où j’avais rendez-vous avec mon frère. Je lui dis que ce bouclier, trop riche pour ma condition, m’exposerait, lorsque je ne serais plus en Gojam, à la malveillance de ceux qui se trouvaient froissés par notre récente victoire ; que ma participation à la bataille suffisait déjà pour les inciter contre moi, et qu’il serait imprudent de les braver en portant une arme que tout le monde reconnaîtrait pour avoir été prise au Lidj Ilma.

— Soit, dit le Prince ; le bouclier attendra ton retour.

Il fut convenu que je partirais la veille du jour où l’armée se mettrait en marche pour le Damote. Cette décision resta secrète : mon projet ne l’était pas, mais on regardait comme certain que le Prince s’y opposerait.

Plus de vingt jours après la bataille, le Dedjadj Birro fit dire à son père qu’il était établi en Dam-