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DOUZE ANS DE SÉJOUR

Quant à ceux-ci, leur position extra-légale n’est que momentanée. Avant même la publication du ban qui les libère, ils rentrent dans le droit commun : ils peuvent intenter contre leurs vainqueurs une action criminelle, et dans bien des cas même une action civile ; seulement, l’action doit être patronée par quelqu’un faisant partie du camp vainqueur, et le respect du droit est tel que nul ne se refuse à accorder ce patronage.

Comme on l’a vu, tout combattant doit rendre compte à son seigneur direct de son butin et de ses prisonniers ; c’est dans cet esprit qu’il lui en fait hommage publiquement, en lui débitant son thème de guerre. S’il a fait prisonnier un homme de marque, il le remet à son seigneur, qui à son tour en doit compte à son chef ; et si les dépouilles sont trop disproportionnées à la condition du capteur, le seigneur lui donne en échange une gratification conforme à sa position. Détourner ou céler les personnes ou les valeurs quelconques prises à l’ennemi, constitue un acte de félonie. Si un prisonnier est accusé d’un crime ou d’un délit antérieur à la bataille, l’accusateur donne connaissance au capteur, devant témoin, de son accusation ; et si le prisonnier parvient à s’échapper, le capteur encourt personnellement la peine qu’entraîne le crime commis, fût-ce un meurtre. Le prisonnier ainsi accusé doit passer de mains en mains jusqu’au seigneur dont la juridiction est compétente. Enfin, celui qui relâche un prisonnier avant d’y être autorisé par le ban du chef d’armée, commet une félonie et peut être rendu responsable de tous les méfaits attribués au fugitif.

La coutume tolère la mise à rançon d’un prisonnier, et à cette fin l’emploi même de la torture : mais