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DOUZE ANS DE SÉJOUR

approchant du camp, nous rencontrâmes des troupes de femmes montant au champ de bataille pour s’enquérir de ceux qui leur étaient chers. À la vue du Prince, elles poussaient des cris de joie et agitaient les pans de leurs toges, rappelant l’orarium ou mouchoir que les Romaines agitaient en signe d’applaudissements ; elles nous entouraient, embrassaient nos genoux ou enlaçaient de leurs bras le cou de nos chevaux.

Notre camp n’était encore indiqué que par les bagages ; la tente du Prince, la seule dressée, fut bientôt envahie par des hommes de tous les rangs, venus pour partager la joie de leur maître. Nous apprîmes qu’aucun de nos hommes de marque n’était mort et que nos pertes étaient insignifiantes. Beaucoup de chefs ennemis étaient prisonniers ; le Lidj Mokouannen, qui commandait l’aile gauche ennemie, avait pu gagner le large, mais il était poursuivi de près par les cavaliers de Birro. Rien ne troublait donc l’allégresse de notre victoire.

Bientôt éclata un violent orage ; les coups de tonnerre se succédaient rapidement, et la pluie transperça la tente. Un des assistants déploya sa toge, et quatre soldats la tinrent comme un tendelet au dessus du Prince. Le Lidj Ilma fut amené devant nous.

— Dieu t’a heureusement sauvé, mon fils, lui dit le Dedjazmatch. Il le baisa et le fit asseoir auprès de lui. Ce pauvre jeune homme était encore tout interdit et palpitant. Monseigneur lui dit en me désignant :

— C’est Mikaël ; connais-le. C’est mon fils et mon meilleur ami : tu en feras ton ami aussi.

Mais comme le prisonnier ne cessait de me con-