Je retrouvai le Dedjazmatch ; son escorte n’était plus que de huit cavaliers : tout le reste s’était dispersé pour courir après le butin et les fuyards. Le Prince allait au pas ; son cheval était pantelant. Quant à lui, la javeline sur l’épaule et le maintien toujours calme et haut, il arrêtait les violences désormais inutiles de ses soldats vainqueurs.
— Déjà fini ? lui dis-je ; Monseigneur est le bien venu à son succès !
À cette formule consacrée, il répondit selon l’usage :
— Amen ; c’est par ton Dieu !
Il venait de croiser le Lidj Ilma qu’on emmenait prisonnier, et il lui avait donné l’aman, assurance qui prenait une autre valeur dans sa bouche que dans la mienne. Nous trouvâmes un détachement ennemi d’environ cent trente rondeliers qui se rendirent prisonniers au Dedjazmatch, et un de nos cavaliers fut détaché pour les escorter jusqu’au camp. Plus loin, un homme à cheveux blancs, sans armes et courant effaré, vint s’incliner devant le Prince qui, reconnaissant en lui le Chalaka Tedjaubasse, un des chefs les plus importants de la maison de Conefo, le rassura par la formule d’usage : « Heureusement, Dieu t’a sauvé, mon frère ! » Quelques années auparavant, le Dedjazmatch, réfugié à la cour du Dedjadj Conefo, avait contracté des obligations envers ce Chalaka, qui, avant la bataille, avait un instant laissé espérer à Birro qu’il se joindrait à lui.
— Que Monseigneur me protége à cette heure, dit-il, car je dois avoir bien des ennemis. « Aïzo ! lui dit le Prince ; tiens-toi auprès de nous jusqu’au camp. »