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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

Monseigneur demanda son bouclier et débita son thème de guerre, à peu près en ces termes :

— Courage ! Me voici ! c’est moi qui suis Guoscho, le fils de Zaoudé, l’enfant du père d’Ipsa ! Allez ! Allez ! Cette journée est à moi ! À moi, Guoscho, fils d’une lignée de rois ! Guoscho le descendant de David, Guoscho le véritable dominateur ! Zorroff Guoscho, le fils de ses œuvres ! Le Prince soldat ! Confiance, mes enfants ! Ils viennent, ils sont à nous, ils nous appartiennent, car je suis ici, et qu’est-ce pour moi qu’un ennemi pareil ? Ne suis-je pas celui que je suis ? La fortune est mon cheval de combat ! Zorroff Guoscho, le généreux, le prodigue, le vainqueur ! Les obstacles reculent devant lui ! Il est haut comme les précipices, il s’avance comme une montagne, il nivelle tout ! Qui arrêtera Guoscho, fils de Zaoudé ? J’envoie mes ennemis aux abîmes ! Hammar Zorroff ! Les mêlées me nomment leur père et je les caresse comme mes enfants, car je suis le Guoscho, le vrai seigneur des batailles ! Marchez donc, marchez ! marchez !

Les trois cents cavaliers qui entouraient le Prince débitaient eux aussi leurs thèmes de guerre ; les chevaux ne se possédaient plus, et l’infanterie poussait à intercadences régulières un long cri caverneux. Ce mugissement intermittent, sortant avec ensemble de milliers de poitrines, la batterie veloutée des timbales et les notes soutenues et vibrantes des trompettes formaient une ouverture de combat la plus imposante qu’on puisse imaginer.

Les masses ennemies dévalaient encore la descente, lorsque nous abordâmes la plaine intermédiaire, où les tirailleurs d’Ilma escarmouchaient contre les nôtres ; la fusillade pétillait sur toute la ligne. Quelques instants encore, et un cri immense, irrésistible,