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DOUZE ANS DE SÉJOUR

d’amour pour toi ; ma verve s’épuisait, mes chants finissaient ; oui, gentil fils de ma mère, ravives-en les sources. »

Ou bien, s’adressant à son cheval :

« Va, va, mon aigle ; que Dieu te renforce les ailes ! »

Une autre criait :

« Enfants de la javeline, attention ! je suis ici pour démêler les braves et compter les coups ! »

Ou bien, frappant vigoureusement sur l’épaule de quelque soldat à tournure martiale, elle lui disait :

« Je suis ta sœur, moi ! ton amie ; ne rugis pas encore, ô mon léopard, tu me fais peur ! Cache-moi ta javeline dans les côtes d’un ennemi. »

Un trouvère chantait :

« Lâches, retirez-vous ; c’est l’heure des mâles ! fils de la femme, arrière ! restez aux bagages, lèchez écuelles et marmites, et ne troublez pas le banquet des vautours, la fête des véritables fils d’hommes ! Ô mes lanceurs intrépides, mes cavaliers ailés, faites vos trouées, frayez la route à notre seigneur et roi Guoscho ; il veut passer et repasser à travers cette peautraille là-bas ; car saint Jacques lui a fait signe. Allez, mes pourvoyeurs de chacals et d’hyènes ! Courage, mes entêtés, mes dompteurs d’hommes ! Ouvrez les sources sanglantes ! À vous les viandes de choix, et vous boirez à plein hanap l’hydromel des braves ! »

Quelque soldat lui criait :

« Ho ! là-bas ! croque-lardon, mâche-laurier, écarquille ton œil, dresse ta crête et regarde-moi bien ; je vais te donner matière à coqueriquer tes vers tout le reste de tes jours ! »