lieu écarté ; leur Bacha ou chef fit tourner trois fois autour d’eux trois taureaux qu’il égorgea ensuite ; les fusiliers, ayant trempé la gueule de leur carabine dans le sang, mangèrent les viandes sur place et brûlèrent les issues et les os. Après ce sacrifice de propitiation, dernier reflet du judaïsme, ils revinrent au camp en tiraillant ; ce qui parut réconforter nos soldats parmi lesquels, depuis quelques jours, circulaient des rumeurs propres à ébranler leur confiance dans nos forces.
Nos espions nous apprirent que le Lidj Ilma était encore à une bonne journée de marche, qu’il faisait reposer son armée et comptait nous offrir la bataille le surlendemain, samedi ; c’était le même jour que nos chefs, réunis en conseil de guerre, avaient choisi. Les croyances superstitieuses déterminent ordinairement le choix d’un jour de bataille ; tel Dedjazmatch a son jour de prédilection ; tel autre suit les conseils d’un devin, habituellement un clerc, ou obéit à un songe ou à quelqu’autre présage. Comme nous étions à court de vivres, on décida de porter le camp à quelques milles plus loin, près d’un village nommé Konzoula : nous y serions à portée d’un fertile district qui s’étendait sur notre droite jusqu’au lac Tsana ; nos soldats s’y ravitailleraient sans fatigue et seraient plus dispos pour la bataille.
Nous arrivâmes à Konzoula le vendredi 24 du mois de Meuskeurreum, qui, cette année là, correspondait au 4 octobre. Un timbalier annonça la picorée par un ban ; nos gens déposèrent sur le champ leurs bagages selon la configuration habituelle de nos campements, et ils disparurent dans la direction indiquée, protégés par quatre cents fusiliers et plusieurs escadrons de cavalerie.