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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

dont j’étais l’objet, que ma vivacité avait une portée sérieuse, et j’allai m’asseoir à l’écart sur une pierre. Bientôt un page sortant du hangar me fit signe d’approcher : mon drogman ne se décida qu’avec peine à me suivre et nous fûmes introduits.

Le prince, à demi étendu sur une couche élevée, présidait une réunion d’environ soixante hommes, assis par terre et vêtus de la toge blanche et du turban blanc particulier aux ecclésiastiques ; son sabre, sa javeline et son bouclier orné de bosselures en vermeil étaient accrochés derrière lui ; une quinzaine d’hommes, à la mâle tournure et à la chevelure tressée, se tenaient debout autour de sa couche, immobiles et respectueux. À l’autre bout du hangar, deux beaux chevaux gris pommelé étaient attachés à des piquets devant un monceau d’herbe fraîche qu’ils éparpillaient d’une lèvre repue. Après m’avoir considéré un instant, le prince me donna le bonjour, me fit signe de m’asseoir, et l’assemblée parut reprendre le cours d’une délibération. Pendant une grande heure, je dus me borner à observer ; mon drogman, à qui je manifestais mon impatience, me faisait des gestes suppliants pour m’engager à attendre. Au centre de l’assemblée, deux personnages d’un âge avancé consultaient par moments un manuscrit in-folio ; les assistants se levaient chacun à leur tour, semblaient émettre des considérants terminés par un avis et se rasseyaient, le silence reprenait, interrompu seulement par le bruit argentin des sonnailles des chevaux ou par la voix grêle et sèche d’Oubié.

Enfin, un vieillard se leva ; et l’intérêt général parut s’accroître ; il adressa quelques paroles au prince ; ce dernier, promenant lentement ses regards sur tous,