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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

dans lesquels nous étions engagés, la biographie des principaux personnages de la cour d’Ali, de celle de Conefo, de celle de son mari, et ses appréciations témoignaient d’une sagacité et d’un jugement des plus remarquables ; aussi m’initiait-elle, comme en se jouant, aux intérêts les plus sérieux du pays. Elle passait pour avoir reçu une très-bonne éducation, lisait couramment son psautier et les évangiles en langue guez, et se plaisait à discuter sur les diverses interprétations du texte ; elle lisait également la Vie des Saints en guez. Sa connaissance de cette langue morte lui donnait pour l’amarigna le même avantage que la connaissance du latin et du grec donne à ceux qui parlent les langues qui en dérivent. Réduite à communiquer avec tout le monde par messages et à traiter de toute sorte d’affaires avec des gens de tous les rangs, elle avait au plus haut point l’art de saisir le cœur d’une question et de condenser sa pensée dans une forme lucide et frappante. Ses jeunes filles de service, habituées à transmettre ses messages, acquéraient une distinction de langage et de manières, qui valait à la plupart d’entre elles, quoique appartenant à des familles pauvres, des mariages avantageux. Sa religion était éclairée, et sa charité s’exerçait continuellement. Elle avait parmi les femmes la réputation de filer admirablement et d’exceller dans l’art de la cuisine, de composer des parfums, de faire l’hydromel et de restaurer, par un régime intelligent, les malades ou les gens épuisés par la misère ou les fatigues. Sans quitter son alga, elle communiquait son activité aux nombreux serviteurs, hommes et femmes, qui composaient sa maison, et dont quelques-uns seulement avaient le droit de se présenter devant elle ; elle