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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

dant quelques semaines à combler de soins le jeune ménage, et s’attacha de plus en plus à son gendre, dont les déférences contrastaient avec l’insubordination de ses propres fils. Elle ne tarda pas à obtenir pour lui l’investiture de l’Enneussé et de l’Enneufsé, districts du Gojam, dont la seigneurie entraînait le grade de Fit-worari de l’armée du Ras, l’exercice du droit de haute justice et le privilége de marcher précédé de porte-glaives, d’un gonfanon et de douze timbaliers. Après être resté encore deux mois auprès de sa belle-mère, le nouveau Fit-worari partit avec sa femme pour son gouvernement.

Malgré cette transition si brusque de la position la plus dépendante à l’exercice d’une autorité si étendue, Birro administra ses vassaux avec une fermeté telle, qu’il fit de ses districts, réputés pour leur insécurité, le pays le plus sûr de l’Éthiopie. Selon le dicton indigène, une jolie fille pouvait y cheminer, seule et partout, tenant sur la main une écuelle pleine de pépites d’or. Mais, afin de soudoyer les gens de guerre, qu’il rassembla en nombre tout à fait disproportionné avec l’importance de son gouvernement, il dut aggraver les impôts, et ses sujets se rendirent plusieurs fois à Dabra Tabor, pour réclamer auprès du Ras ; la vigilante Waïzoro Manann les faisait éconduire brutalement.

Bientôt, Birro Aligaz, un des grands vassaux du Ras, Dedjazmatch de l’Idjou et d’une partie du Lasta, s’étant déclaré en rébellion, le Ras convoqua par ban son armée à Dabra Tabor. Le Fit-worari Birro fit son entrée à la tête de plus de 6,000 hommes, et, avec un appareil militaire qui éveilla les jalousies des grands vassaux du Ras, mais qui flatta l’orgueil de sa belle-mère ; dans ce dernier but, il avait amené