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DOUZE ANS DE SÉJOUR

Par cette union, la Waïzoro Manann rétablissait la suzeraineté de sa maison sur un des plus puissants Dedjazmatchs ; elle comptait, en outre, se faire un appui de ce prince contre ses propres fils, le Ras Ali et les Dedjadjs Imam et Haïlo, qui cherchaient en grandissant à s’affranchir de son autorité ; elle renforçait son parti contre le Dedjadj Oubié, dont l’obédience nominale menaçait chaque jour de se changer en hostilité ouverte ; enfin, considération importante pour sa vanité féminine, elle rehaussait à ses yeux l’humilité de son origine par une alliance avec un descendant de la famille impériale.

Le jour fixé pour la présentation, le Dedjadj Guoscho se rendit chez la Waïzoro Manann, et bientôt le Fit-worari Tessemma, entouré d’une brillante escorte, arriva sur la place. La Waïzoro Manann profitant, pour l’examiner, du temps qu’on mettait à l’annoncer, releva un coin du rideau tendu devant son alga.

— Lequel est votre fils parmi ces cavaliers ? dit-elle au Dedjazmatch.

— Celui qui descend de la mule noire.

— Notre Dame de miséricorde ! s’écria-t-elle ; mais c’est un garçonnet !

En effet, Tessemma, quoiqu’en âge de se marier, avait l’air d’un adolescent ; il était bon cavalier et représentait à cheval ; mais, à pied, sa petite taille et ses allures enfantines dissipaient l’illusion. Il reçut néanmoins bon accueil : la Waïzoro fit circuler l’hydromel, mais sans plus s’occuper de lui ; la collation terminée, elle congédia tout le monde et demeura seule avec le Dedjazmatch.

— Le Lidj Tessemma, dit-elle, a bien l’air d’un