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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

fils de plus. Le père n’avait aucun souvenir de la mère, mais le zélé baldéraba fit ressortir quelques petites concordances entre le récit de cette femme et des circonstances antérieures de la vie du Prince, et il le pressa si bien, que, grâce aussi à la facilité avec laquelle les Éthiopiens se rendent en pareille occasion, le Dedjazmatch accepta ce nouvel enfant, qui allait entrer dans l’adolescence et qu’on nomma Lidj Birro. On l’envoya à l’école ; il grandit comme il put, et au bout de quelques années il fut admis à suivre son père à l’armée, mais sans que rien annonçât que sa qualité de Lidj fût prise au sérieux et dût contribuer à sa fortune.

Sur ces entrefaites, le Dedjazmatch, ayant froissé l’amour-propre de l’altière Waïzoro Manann, se vit contraint de rompre avec le Ras Ali, qui subissait encore l’ascendant de sa mère. Les hostilités commencèrent ; mais bientôt, la Waïzoro s’étant remariée comprit ce qu’il y avait d’impolitique à donner cours à ses ressentiments, et feignant de les oublier, elle fit dire au Dedjazmatch qu’ils étaient faits pour s’entendre, et que pour bannir à tout jamais l’esprit malin qui s’était glissé entre eux, elle lui proposait de réunir leurs maisons par un mariage entre sa fille unique, son enfant préférée, la Waïzoro Oubdar (limite de beauté), et Tessemma Guoscho. La paix fut conclue entre le Ras et le Dedjadj Guoscho. Celui-ci, pour donner un titre au Lidj Tessemma, le nomma Fit-worari de son armée, lui transféra les droits d’aînesse du Lidj Dori, frappé, comme on sait, de faiblesse d’esprit, et quelques mois après il se rendit à Dabra Tabor dans le but ostensible de conférer avec le Ras sur les affaires générales, mais au fond pour conclure l’union projetée.