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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

soit légèreté, soit calcul, ne fournissent que des renseignements inexacts ou même dénaturés.

Après s’être débarrassé de ces intermédiaires, il faut découvrir la partie saine des indigènes, se faire accepter d’eux, dissiper leurs défiances, démêler les institutions, les habitudes qui forment comme la charpente sociale, découvrir les centres où s’élaborent en quelque sorte l’esprit national et qui régissent, souvent sans le paraître, les impulsions générales ou particulières ; et quand on a pénétré cet organisme, il est nécessaire encore d’en suivre quelque temps le jeu, afin d’en éprouver par soi-même les effets, et de distinguer de l’action variable l’action permanente, qui donne les grandes lignes, les grands traits de la physionomie d’un peuple.

J’avais encore bien à faire pour arriver à ce degré ; cependant si peu initié que je pusse être au pays, je n’ignorais pas que la mort inattendue du Dedjadj Conefo pouvait influer sérieusement sur la politique du Gojam. Dans l’attente des événements, le Dedjadj Guoscho crut prudent de n’apporter à l’ordonnance de sa maison, de son armée et de ses États, que des changements insignifiants : il confirma par ban l’ordre de choses existant, et, à l’exception des deux sénéchaux qui restèrent auprès du Prince, seigneurs, chiliarques avec leurs bandes, et jusqu’aux petits fivatiers, tous furent maintenus, pour l’hiver, dans leurs fiefs ou cantonnements.

Je ne connaissais que depuis peu le nombre des enfants du Dedjazmatch. Presque tous ses fils faisaient partie de l’armée ; mais les rapports apparents de fils à père sont si peu différents de ceux de serviteur à maître qu’il y avait lieu de s’y méprendre. Comme en Europe, au moyen âge, la paternité d’un chef de mai-