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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

sont revenus aux recettes empiriques de leurs pères. Je ne pus rien comprendre à la maladie de mon hôtesse ; je vis seulement qu’elle était jeune et remarquablement jolie ; je déclarai son mal nerveux et je me retirai en pronostiquant une prompte guérison. Peu de jours après, j’appris qu’elle était morte.

Je fis présent à mon hôte de deux talari ; ce présent disproportionné réveilla en lui la cupidité du trafiquant et il me dit en m’accompagnant, que le maître de la mule qu’il venait de me procurer exigeait un prix supérieur au prix convenu. Comme je savais que la mule lui appartenait, je mis aussitôt pied à terre, et le laissant tout confus de voir sa ruse éventée, je repris mon chemin, en maudissant Kaï-Bahri et son hospitalité mercantile.

À la fraîcheur matinale avait succédé une chaleur incommode : nous ne marchions plus qu’avec peine. Près du village de Maloksito, nous trouvâmes à louer une mule ; Samson n’en pouvant plus, demanda à me rejoindre le lendemain, et avant le coucher du soleil, j’entrai seul à Adwa, où je revis avec plaisir le Père Sapeto.

J’éprouvai quelque difficulté à me procurer un drogman parlant l’arabe et l’amarigna. Depuis Halaïe, en marchant vers l’intérieur, l’arabe n’est plus compris, si ce n’est par quelques trafiquants musulmans. Jusqu’à la rivière le Takkazé, le tigraïen est la langue usuelle. Le Dedjadj Oubié, originaire du Samen, situé à l’ouest du Takkazé, où l’on ne parle que l’amarigna, venait d’étendre sa domination sur une portion importante du Tigraïe, et c’était une grande cause d’irritation pour les Tigraïens d’être obligés, dans leurs rapports avec l’autorité, de se servir de l’amarigna, ou bien de parler par interprètes.