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DOUZE ANS DE SÉJOUR

en passant au service de quelque Polémarque voisin, non sans avoir pillé, chemin faisant, les villages du maître qu’ils désertent.

Pour parer à ces inconvénients, le Dedjadj Guoscho s’était appliqué à former la bande des Eka-Bets de soldats d’élite natifs du Damote et du Gojam, et cette troupe fidèle contenait efficacement les velléités de désordre des autres bandes. Toutes ces bandes étaient la terreur des cultivateurs. Quelquefois une ou plusieurs communes prenaient les armes pour résister à leur insolence ou à leurs exactions, et le parti vaincu députait auprès du Dedjazmatch quelques-uns des siens, qui allaient déployer devant lui les toges sanglantes des blessés ou des morts et lui demander justice.

Ces bandes, qui constituent la force directement aux ordres du Dedjazmatch, ne reçoivent, comme on vient de le voir, qu’une paye minime, et sont entretenus par subventions en nature, lorsqu’elles ne sont pas réparties en subsistance dans les districts, dits yé-guébétas (terres domaniales du Polémarque). Elles exercent aussi un droit de logement et d’hébergement sur presque toutes les terres de la mouvance du Dedjazmatch.

De même que ceux qui s’enrôlent au service des titulaires de fiefs, ces soldats sont regardés comme engagés pour l’année. Si, l’année suivante, l’investiture est confirmée au même titulaire, il est loisible aux soldats de prendre leur congé. Ceux qui s’enrôlent au moment d’une campagne, au service de possesseurs d’alleux, de majorats, ou de fiefs héréditaires, ne sont regardés comme engagés que pour la durée de la campagne, et, dès qu’elle est terminée, ils peuvent se retirer avec leurs armes, bagages et mon-