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DOUZE ANS DE SÉJOUR

délébiles, et ne peuvent se transmettre sans la terre qui les confère. Dans la confusion actuelle des pouvoirs, la dignité de Polémarque s’acquiert le plus souvent par des moyens violents, et les provinces de l’ancien Empire constituent aujourd’hui de petits États dont les uns sont indépendants, et les autres vassaux. Tel Ras ou tel Dedjazmatch a commencé par détrousser sur les grandes routes. On peut dire cependant que la plupart de ceux qui sont arrivés à ces dignités appartiennent à des familles de notables et souvent de princes. Tout Polémarque vassal d’un autre relève de l’investiture annuelle de son suzerain. Les Polémarques indépendants ne relèvent que de la force.

Lorsque la révision annuelle a lieu dans la maison d’un Dedjazmatch, les deux Blaten Guétas ou Sénéchaux, l’Azzage ou Biarque, et les divers comptables se réunissent en présence du Dedjazmatch pour contrôler le budget de l’année écoulée, établir celui de l’année qui s’ouvre, vérifier le cueilleret, inventorier les ressources existantes, faire le recensement des seigneurs et autres gens de guerre détenteurs de fiefs et de ceux qui servent moyennant paye en argent ou en nature, relever le nombre des pensions à servir et des charges ecclésiastiques dont la nomination relève du Prince ; éplucher les écroues et jusqu’aux dépenses les plus minimes du service particulier. C’est l’époque décisive pour les gouvernants et les gouvernés ; le réveil des ambitions et des brigues ; le moment des désertions et des rébellions, des élévations et des abaissements subits. Les malversateurs, les inconstants, ceux dont l’ambition désespère, les méfiants, les mécontents et les aboyeurs déguerpissent pour se réfugier dans les