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DOUZE ANS DE SÉJOUR

devant lui quelque trophée, lui dire en finissant son thème de guerre :

— Tiens, voilà ce que je sais faire !

Cette longue digression à propos de la retraite que nos 900 cavaliers effectuèrent malgré un ennemi plus du double en nombre, permettra de considérer sous leur vrai jour ce fait de guerre et ceux que nous aurons occasion de rapporter dans la suite. L’ennemi nous tua neuf chevaux ; il en perdit environ autant ; nous eûmes une vingtaine de blessés, mais on estima que les cavaliers gallas avaient moins souffert. Chacun des nôtres avait fait son devoir ; quelques cavaliers s’étaient signalés d’une façon particulière. Comme on le pense, je n’eus pas les honneurs de cette journée ; mon apprentissage de la guerre commençait à peine. Je m’étais appliqué, depuis Gondar, à relever exactement à la boussole toutes mes routes et les points saillants qui les bordaient, à régler fréquemment mon chronomètre au moyen de hauteurs correspondantes du soleil, à prendre des distances lunaires, et à faire journellement vingt et une observations météorologiques. Mais peu avant notre excursion au monolithe, notre armée étant en marche, l’approche de l’ennemi me contraignit à monter précipitamment à cheval, et en franchissant le lit rocheux d’un torrent, ma boussole de relèvement s’échappa de ma ceinture et roula sur les pierres. Au camp, je m’aperçus que le pivot de l’aiguille s’était faussé. Dès lors, mettant de côté boussole, chronomètre, sextant et écritures, je suivis sans remords mon inclination pour la vie militaire.

Cependant l’hiver débutait ; nous étions au mois de juin. Durant les matinées, le tonnerre grondait fréquemment ; le ciel était devenu morne, et les ondées, de plus en plus abondantes, rendaient pénible la vie de