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DOUZE ANS DE SÉJOUR

Les Éthiopiens attaquent un camp la nuit et de préférence au point du jour ; mais ces surprises pourraient être exécutées bien plus fréquemment, vu la négligence avec laquelle les camps sont gardés. Quant aux attaques contre une armée en marche, qui offriraient des chances à peu près certaines de réussite, elles n’ont lieu que très-rarement.

Le siége des monts-forts mérite à peine ce nom ; on leur donne rarement l’assaut, et comme les indigènes n’ont ni canon, ni machine de guerre, ils se bornent à des blocus. Ces forteresses sont prises par trahison ou par coups de mains ; elles sont défendues principalement par des fusiliers et des blocs de pierre qu’une poussée suffit à faire rouler sur les sentiers escarpés qui y conduisent.

Les fusiliers, malgré la mauvaise qualité de leurs armes et le manque de discipline, constituent la principale force des armées. Les Égyptiens et les Turcs interdisent l’introduction des armes à feu par le Sennaar et Moussawa ; la contrebande y supplée par Moussawa, mais d’une façon languissante, et les chefs du Tegraïe tâchent d’en profiter, à l’exclusion des autres provinces, ce qui fait qu’à l’inverse des chevaux, les armes à feu sont plus rares à mesure qu’on avance à l’Ouest du Takkazé. À l’époque où je me trouvais dans le pays, les deux armées les plus nombreuses étaient celle du Ras Ali et celle du Dedjadj Oubié. Ce dernier tenait tout le pays situé entre Gondar et la mer Rouge ; on estimait à seize mille les fusils de son armée, et l’on croyait qu’il en avait environ douze mille en dépôt, tant dans ses monts-forts du Samen, que dans quelques villes d’asile. Malgré son industrie, il n’avait pas pu réunir, assurait-on, plus de onze mille cavaliers ; on évaluait ses rondeliers à plus de quarante