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DOUZE ANS DE SÉJOUR

Au moyen de forts enkassés, espèce d’épieux, on la déchaussa à grand’peine, sa partie enfouie étant la plus longue et la plus grosse ; on la fit basculer sur un lit de bois sec, on l’entoura encore de combustible, et après qu’elle eut été maintenue longtemps encore dans un immense brasier, elle finit par se fendiller de toutes parts. On la brisa ; et, jaloux de compléter l’œuvre de destruction, on combla sa large alvéole et l’on dispersa au loin les fragments de ce monument d’idolâtrie.

Mais les préoccupations du Prince et des chefs étaient déjà tournées d’un autre côté ; on apercevait à l’horizon des bandes noires glissant dans la direction de notre camp. Pendant les quelques heures que nous venions de passer au même endroit, les Gallas, qui, le matin, n’avaient fait qu’apparaître à distance par petits pelotons, rassemblaient leur cavalerie pour intercepter notre retour.

Excepté sur quelques points, le terrain à parcourir était plat ; nos neuf cents cavaliers ne redoutaient pour eux-mêmes aucune rencontre, mais nos gens à pied allaient entraver leurs évolutions. Lorsque le Dedjazmatch ne prenait pour escorte que de la cavalerie, il arrivait ordinairement que, malgré ses ordres, des fantassins, dans l’espoir d’avoir à se signaler sous ses yeux, suivaient à leurs risques et périls les mouvements rapides de l’escorte ; de plus, pour ménager leurs chevaux de combat, beaucoup de cavaliers les faisaient conduire à la main par leurs palefreniers ou leurs servants d’armes à pied ; ce qui fit qu’en cette circonstance, étant partis le matin, imparfaitement renseignés, et croyant n’avoir à faire qu’une petite course avant le déjeuner, nous nous trouvions à plusieurs lieues de notre camp, avec plus de quatre cents