faisait dans le camp avant de le quitter, je me retirai derrière un grand rocher avec quatre de mes hommes : l’un conduisait mon cheval, plus embarrassant qu’utile ; l’autre portait ma carabine ; le troisième, mon bouclier et ma javeline ; mon drogman, un peu à contre-cœur, faisait le quatrième. Aux timbales, aux trompettes, aux flûtes, aux cris, à tout le vacarme de l’évacuation, succéda un lourd silence, interrompu seulement par les oiseaux encore mal rassurés, qui, d’intervalle en intervalle, s’encourageaient timidement à reprendre leurs chants du matin. Quoique nous ne pussions rien découvrir, un instinct, qui depuis m’a souvent servi dans des circonstances analogues, m’avertissait que le terrain devenait de plus en plus hostile. Soudain, nous entendîmes le cri galla : Hallelle ! hallelle ! signifiant : Frappe ! tue ! et nous vîmes trois hommes fuyant entre les huttes et serrés de près par douze ou quatorze Gallas. Au même instant sortirent d’une embuscade des cavaliers qu’à leurs housses rouges nous reconnûmes pour des nôtres. À leur vue, les Gallas se détournèrent pour gagner le grand ravin. Nous essayâmes les uns et les autres de leur couper la retraite, mais ils avaient trop d’avance. Arrivé un des premiers sur le bord, je pus les voir dévaler en bondissant, comme des chamois sur les blocs éboulés qui hérissaient la berge ; ils s’arrêtèrent à une portée de fusil et nous crièrent des injures.
Nos gens de l’embuscade nous rejoignirent. C’était un chalaka ou chef de millier nommé Beutto qui, avec une vingtaine de cavaliers, avait voulu, courir aventure ; il me sauta au cou en riant aux éclats et me reprocha de ne lui avoir pas communiqué mon dessein.