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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

attaques plus multiples et plus vives nous tinrent en éveil ; il pouvait être onze heures, la lune était pleine et nos hommes escarmouchaient en dehors de nos défenses ; mais la lune se voilant subitement, ils rentrèrent de peur d’être enlevés, car le haut Liben est réputé pour le nombre et l’adresse de ses cavaliers. Un Galla s’approcha de nos défenses, et, d’une voix sonore, demanda à être écouté :

— Ô fils de Zaoudé ! ô Guoscho ! tu comprends notre langue, dit-il. Pourquoi viens-tu dans le pays des paisibles Gallas ? Pourquoi aiguiser sur nous tes sabres et tes javelines ? pourquoi faire tonner tes carabines ? Le père du ciel lui-même ne fait pas autant de bruit que toi. Si nos compatriotes des frontières t’ont offensé, pourquoi te venger sur nous ? Pourquoi quitter tes demeures en pierre, bien assises, pour promener jusqu’ici tes maisons de toile, incendier, dévaster notre pays, entraîner nos femmes, affamer nos bestiaux et pousser nos hommes au désespoir ? Souviens-toi du sang de Zaoudé. Si tu ne crains pas que nous détruisions ton pays, crains Dieu ; n’as-tu rien à lui demander ? Comme tu écouteras ma prière, il écoutera les tiennes. Rends-moi mon père fait prisonnier aujourd’hui ; il ne peut payer rançon, il est vieux, il n’a que ses fils pour tout bien, et nous ne possédons que nos femmes, nos enfants, nos boucliers et quelques bestiaux à peine suffisants pour nous nourrir, tandis que tes soldats à toi égorgent tout un troupeau pour choisir une bouchée de viande à leur goût, laissant le reste aux vautours et aux hyènes. Ô fils de Zaoudé ! renvoie-nous un vieillard qui n’a de valeur que pour ses enfants !

C’était beau de voir, au milieu de la nuit, nos