ment. Cette parenté conventionnelle, reconnue du reste par les us et coutumes, entraîne parfois, comme toutes choses, des conséquences abusives, mais elle produit souvent aussi les effets les plus salutaires.
En partant, le blessé me dit :
— Tu m’as trouvé déchu, car je ne suis plus rien ; mais je vaux quelque chose par mes parents ; on compte parmi eux de véritables fils d’hommes, dont le bon vouloir est recherché. Tu m’as recueilli et tu as fait rentrer en moi mon âme, en me disant : « Voilà ta femme, tes enfants, ton frère ; je te les donne. » Tu es, dit-on, d’un pays bien éloigné du Gojam, et tu marches devant toi à travers le monde ; peut-être viendras-tu un jour chez nous. Si je vis, je te donnerai un cheval, des bêtes grasses, du miel parfumé ; mes parents et tous mes voisins t’accueilleront comme un des nôtres, car tous dans nos pays apprendront ta conduite envers moi. Si je suis revêtu de la toge qui ne s’use pas (la terre), mes fils reconnaîtront ma dette. Quoi qu’il arrive, que le bien que tu nous fais retombe sur toi comme une pluie !
La femme, qui était jolie, ajouta :
— Sois protégé de Dieu, pour m’avoir rendu mes enfants, mon mari, mon pays et mon protecteur naturel, dit-elle naïvement en désignant son beau-frère.
J’appris à cette occasion que, comme chez les Hébreux, la loi du Lévirat était en pleine vigueur parmi les Gallas, et que la femme du blessé était désormais considérée comme veuve.
Pendant trois semaines, nous parcourûmes par petites étapes les woïna-deugas du Liben. L’armée allait au pillage : tantôt c’étaient tous les soldats, tantôt ceux du camp de droite, ou du camp de gauche, ou du camp de derrière seulement ; et quand nous avions