Page:Abbadie - Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie.djvu/265

Cette page a été validée par deux contributeurs.
257
DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

— Par Notre Dame ! que mon frère se remette en selle.

Vingt voix firent écho, et un suivant jeta une toge sur les épaules du Blata Filfilo, qui enfourcha sa mule et chemina à côté du Prince.

Parfois, nous restions quelques jours au même endroit. Toute apparence de mystère cessa enfin : un ban invita les volontaires, tant étrangers que sujets, soldats ou paysans, à venir concourir à une expédition contre les Gallas, et des auxiliaires, la plupart paysans du Gojam, affluèrent, malgré la saison avancée qui faisait appréhender que la crue prochaine de l’Abbaïe ne rendît notre retour périlleux. De leur côté, les Gallas, instruits de nos projets, se préparaient à la résistance. Afin de leur donner le change sur le point où nous traverserions l’Abbaïe, l’armée exécuta plusieurs mouvements contraires, tantôt dans la direction du Gouderou, tantôt dans celle du Liben ; ensuite, revenant sur nos pas, nous campâmes en face du Horro, puis dans le centre du Gojam. Là, le bruit se répandit que notre campagne contre les Gallas n’était que simulée ; que par suite d’une mésintelligence entre le Dedjadj Guoscho et le Ras Ali, nous allions être obligés de défendre nos frontières du côté du Bégamdir. Quelques districts gallas ajoutèrent foi à cette nouvelle ; d’autres demandèrent des sauf-conduits, et députèrent auprès du Dedjazmatch, pour lui offrir leur soumission, lui promettre des tributs et se le concilier par des présents consistant en chevaux, bétail, grains d’or, toges grossières, et quantité de miel et de beurre. Le Prince recevait de toutes mains et faisait même visage à tous ces envoyés, qu’il congédiait avec de vagues assurances. Un jour que nous avions reçu une