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DOUZE ANS DE SÉJOUR

queue et surtout la patte du lion sont celles auxquelles on attribuait encore, il y a quelques années, le plus de valeur.

Les huttes de nos gens, pressées côte à côte sur un seul rang, formaient une enceinte circulaire d’environ 100 mètres de diamètre, n’ayant qu’une ouverture, large d’une quinzaine de pas, en face de l’entrée de la tente du Prince, dressée au centre. Devant l’entrée des huttes, toutes tournées vers la tente, étaient les feux ; les chevaux de selle, les sommiers, les mules et les ânes attachés à des piquets, formaient comme un deuxième cercle intérieur. À dix pas derrière la tente du Prince, se trouvait celle de la Waïzoro, et plus loin derrière, trois tentes en bure pour la sellerie, la cuisine et les amphores d’hydromel ; les divers services du Prince étaient encore loin, me dit-on, d’être au complet. Devant la sellerie, autour d’un énorme feu, ses quatre chevaux et ses trois mules mangeaient leur herbe, sous la surveillance de palefreniers et d’un piquet de fusiliers ; une autre troupe de fusiliers et des pages se chauffaient, ou dormaient autour d’un grand feu, devant sa tente ; celle de la Waïzoro était enveloppée d’une obscurité discrète, qui laissait à peine distinguer les eunuques de garde. Les hennissements des chevaux et des mules, le tapage qu’ils faisaient en s’entrebattant, et les cris et la rumeur qui s’élevaient du camp, cessèrent vers le milieu de la nuit, mais le bourdonnement des conversations dura jusqu’au point du jour. Les femmes, et il y en avait beaucoup, entretinrent cette vie nocturne par leurs travaux et leur caquetage ; à la lueur des feux, elles s’occupaient de l’émondage des grains, de leur mouture ou de celle des condiments qui servent de